De l'addiction à la sensation d'être vivant

Je reçois un homme addicte à l'alcool et à la cocaïne. Du lourd. Il est cependant déterminé et très lucide sur sa situation. Il a déjà fait une cure de désintoxication. A rechuté. Je lui ai dit, j'ai déjà aidé quelqu'un à sortir de l'addiction à l'alcool, on a fait 12 séances, il n'y a jamais repris. Je ne vous lâcherai pas mais il va falloir vous engager. Il n'y a que la discipline et un engagement ferme vis à vis de vous-même qui vous permettra d'en sortir.
Cet homme était déjà venu me voir une fois, il y a 4 ans. A l'époque, il n'y avait que l'alcoolisme.
A la question, pourquoi vous êtes revenu me voir aujourd'hui ? Il me répond :
Parce que vous étiez la seule parmis tous les psy, médecins, thérapeutes que j'ai consultés à avoir mis le doigt sur quelque chose de cohérent avec ce que je vis, qui m'a fait réfléchir, avancer.
Mais pourquoi ne pas avoir continuer à ce moment là, peut-être n'y aurait il pas eu la cocaïne par dessus ?
Il m'a dit, je rechute car c'est la facilité. La facilité et la satisfaction immédiate des besoins.
On voit bien ici que le problème est l'absence totale de cadre, couplée à la déconnection avec lui-même.
Alors, il va la chercher la limite, au plus bas. Le paradoxe nécessaire à sa reconstruction.
Il cherche dans cette sensation de liberté la limite du cadre. Inexistante tant qu'il ne la met pas.
L'importance de ce cadre qui rassure. Comme pour un enfant. Sortir de la liberté absolue qui, à mon sens, est néfaste quand elle est revendiquée sans contact avec son intériorité.
Et si on voyait la discipline/la routine/les limites qu'on se donne comme un contenant englobant et sécurisant, comme une preuve d'amour pour soi-même? Je pense, une des clés majeure ici.
Et retrouver ce qui fait sens, ce lien vivant avec lui-même, qui ne peut naître que lorsqu'il est en contact avec ses émotions et ressentis.
Retrouver son corps comme lieu sécurisant pour sentir et ressentir. Cette sensation d'être vivant qu'il cherche tant à l'extérieur. Puis le goûter, dans les petites choses, là devant lui, apprivoiser la magie de l'ordinaire perdue depuis longtemps.
Voilà ce vers quoi je vais l'accompagner.
Coline