Se révèler simplement à notre nature originelle
Longtemps j'ai cru qu'être éveil était synonyme de libération, le graal sacré, où toutes souffrances, toutes frustrations et tout mal-être disparaîtrait. J'ai cru que, dans un futur plus ou moins lointain, j'atteindrai cet état. J'entendais dire que, parfois, l'univers nous retestait (pour être sûr, des fois qu'il se trompe ), que quelquefois tout n'est pas terminé du premier coup, que le processus n'est pas linéaire, qu'il y a encore du boulot... Bref, la quête s'éloignait à mesure de l'avancement dans un souci caché de perfection, où l'on arriverait jamais, sauf peut-être quelques rares élus. Qu'il fallait être patient, avec le sentiment souvent de ne pas y arriver, de rester pour toujours inachevé, que sûrement je n'avais pas assez bien fait pour mériter.
Après avoir vécu une forme de retournement, où la conscience se voit conscience d'elle même, après avoir vécu un état de grâce incroyable de 5 jours où tout était unité et ouverture du cœur, mon mental dans un silence absolu et mon corps dans une paix profonde. Alors que je ne comprenais absolument rien du tout à ce qui se passait, ma tête a très vite repris le dessus et s'est dit: ça y est ! Le graal ! J'y suis ! Yes !
Sauf que bien sûr, la souffrance, la frustration, le mal- être, etc. sont progressivement revenus, ils n'étaient et ne sont jamais parti suite à cette expérience. Tout comme la joie bien sûr. Mais je n'avais pas réussi à maintenir cet état d'éveil. L'alternance des expériences reprenaient. Mais à la différence, au moins grande: j'en faisais l'expérience en même temps que je voyais le jeu de l'expérience se faire.
Alors voilà, petit vélo reparti, l'univers me reteste, j'étais pas encore prête, y avait du boulot, pfff ! Retour sur le chemin de la perfection et de la quête sans fin.
Très vite, cependant, quelque chose a compris, une ouverture s'est faite, ça s'est éclaircie. Ne pas accepter le mauvais côté de la médaille de l'expérience de la vie signifiait tout simplement ne pas accepter cette vie, cette incarnation humaine. C'est le souvenir nostalgie de l'ailleurs, de cet état d'unité d'où nous venons tous, que nous sommes déjà tous, et que nous avons oublié. Où tout est amour, lumière, silence et paix . J'y retournerai à ma mort, sans aucun doute. Mais pour l'instant je suis ici et j'ai décidé de vivre pleinement cette expérience, d'entrer pleinement dans cette vie.
Nous sommes ici pour expérimenter et vivre l'expérience de la vie. Lors de cet état de grâce, j'ai pris conscience de l'océan qui comprend toutes les vagues (toutes les émotions, sensations, pensées, états d'être, expériences), j'étais et je suis encore intrinsèquement cela, mais les vagues n'ont pas disparu et ne disparaitront jamais car elles font parties intégrantes de l'océan.
J'ai compris que j'étais bien plus que la personne avec qui je m'étais identifiée, tout en étant à la fois une des fenêtres d'expérimentation de la conscience, qui fait l'expérience de certaines choses à travers moi, même des vagues de souffrance, de frustration, de colère, de haine, même des vagues les moins aimées. Et elles pouvaient arriver encore plus fortement car c'était à présent comme si j'avais dit oui à la vie toute entière, que j'acceptais d'accueillir tout et de voir les vagues totalement nues et sans défense. Ma sensibilité était accrue car plus rien ne faisait barrage, j'avais baissé les armes érigées contre elle depuis des années, même dans cette quête "spirituelle" je les retenais, essayais frénétiquement de les réfréner (car la spirituel n'autorise que la lumière voyons !) : À présent, tout était autorisé, l'entièreté de la vie à me traverser, à expérimenter, à raconter une histoire à travers moi.
Alors oui après tout le travail que j'ai fait, je pleure encore pour cela, alors oui je suis encore en colère contre ceci, oui car j'ai dit oui à la vie totalement, à son expression totale, à me laisser traverser par ses vagues, agréables comme désagréables.
Seulement ces vagues vont et viennent, s' en vont et s'en viennent, je ne m'y identifie pas, je ne les bloque pas, je ne m'en protège pas. Elle me traverse complètement et partent aussi complètement. Je dis simplement oui à ce qui est et ce que se passe dans l'instant, même si c'est pleurer même si c'est crier. J'autorise mes faiblesses, j'autorise d'être touché. J'accueille et je vois en même temps, j'accueille et je sais simultanément.
Il n'y a alors plus rien à chercher ni à évoluer. Nous sommes déjà tout cela. Nous sommes déjà la conscience, l'univers, la paix, le silence, la vie, "dieu". Et pas en devenir ou prochainement. Il n'y a pas un état à acquérir dans le futur, nous ne sommes pas incomplet, nous sommes déjà totalement et entièrement la vie, la conscience, qui s'exprimant à travers nous, nos expériences et les autres, se dévoile et prend conscience d'elle même (ou pas, peut-être même jamais, si c'est ce qu'elle choisit d'expérimenter) à chaque instant avec ce qui se présente à elle, à travers cette incarnation. D'où cette impression d'évolution dans notre vision linéaire mais ce ne sont que des dévoilements de ce que nous sommes déjà, le voile se dévoile.
D'où cette notion d'ancrage, qui signifie simplement, accepter pleinement d'être ici dans cette vie et de jouer le jeux. Ou plutôt de laisser le jeu se jouer. Vivre ici, cette vie constituée de vagues, de toutes les vagues, infinité de diversités et de gammes colorées, témoin silencieux de l'unité !
Et la vie, la conscience s'expérimentant autorise tout, tout est déjà autorisé dans l'instant devant nous, sinon il ne serait simplement pas. Dire oui à la vie, entrer pleinement dans la vie c'est accueillir toute la diversité de celles-ci , tous ses côtés, tout son état d'être maintenant, et dans cette diversité, dans l'accueil de cette diversité se découvrir unité, unifié. Dans la perfection de l'instant devant nous, que nous ne pouvons pas forcément voir avec notre regard limité et orienté. Quand on a conscience que ce que je suis ne peut jamais être menacé et est déjà tout, tout est juste et jamais rien ne peut se tromper. La quête s'arrête, la recherche également.
Reste cet accueil et la beauté de la perfection de l'instant, même dans la souffrance et la frustration. Ce qui souffre et ce qui fait souffrir, ce qui est frustré et ce qui frustre, ce qui n'est pas aimé et ce qui n'aime pas, sont vus et accueillis, l'unité retrouvée. Rester juste à côté de la sensation, de l'émotion, de la pensée. Là est la clé. L'éveil a disparu, l'émerveillement commencé: d'être le témoin de la vie à l'état brute, dans la perfection de ses richesses, dans la beauté de son unité, dans le trouble de sa profondeur, dans l'immensité de son humilité, dans l'intensité de son accueil, dans le silence de sa présence. Être cela, simplement. Complètement, avec le détachement de celui qui paisiblement observe, sait et ne doute jamais.
Tout cela est Amour.
Coline Cornefert