(Ré) accueillir la vie
Lors de la vie intra utérine et en tant que nouveau né, nous étions avant tout des êtres sensoriels. Les aires reliées aux 5 sens du cortex cérébral n'étaient pas encore matures, nous ne voyions pas avec nos yeux, nous n'écoutions pas avec nos oreilles, nous ne humions pas avec notre nez, nous sentions et ressentions avec tout notre corps! Toutes les expériences liées à la très petite enfance sont d'ordre sensorielles, enregistrées via le corps. C'est pour cela également que nous avons très peu de souvenirs visuels de cette période: ils sont dans notre corps, au travers de tissus appelés fascias, qui englobent tout et sont tous reliés entre eux comme une grande toile d'araignée!
Nous sommes naturellement des êtres instinctuels lorsque nous réapprenons à écouter les messages de notre corps. Réapprendre car au fur et à mesure que nous avons grandi nous avons aussi coupés avec ces ressentis sensoriels. Car le langage abstrait et nos 5 sens ont pris une place prépondérante mais aussi car ces expériences nous ont chamboulés et déstabilisés. Ces expériences si fortes que nous avons été obligées de les mettre loin de nous, de nous en dissocier. Et nos parents bienveillants, pour nous aider à dépasser l'insupportable et l'inconnu, nous ont accompagnés en mettant des mots sur ce qui se passait dans notre corps: "mon chéri ce n'est pas grave, tu as juste eu peur". D'une expérience infinie bien que déroutante, nous y avons mis une étiquette réductrice et généralisante: le mot "peur". D'un panel infini de sensations subtiles, nous y avons mis une étiquette grossière et bien loin de ce qui se passait dans notre corps au niveau individuel. D'une expérience unique et propre à chacun nous y avons mis un titre commun.
Imaginez alors rentrer complètement dans votre corps et observez derrière les étiquettes émotionnelles. Enlever la notion de bien ou de mal, de positif ou négatif. Que ressentez vous?
Quelle infinie tonalité derrière chaque situation de "peur", quelle incroyable subtilité derrière la notion de "colère", quelle multitude de sensations différentes derrière l'expression de la tristesse, quelle énergie de vie derrière la joie !
Qui y a t il de vivant en moi? Comment cela peut il me guider dans ma vie, au delà de toute étiquette?
Pourquoi s'intéresser à cela me diriez vous? Parce qu'en me coupant de me ressentis corporels, je me coupe de moi-même, je me sépare de la vie, du lien subtile et interconnecté avec toutes choses, je me sens étranger au monde et isolé.
Une étiquette cloisonne et enferme, ne laisse pas l'énergie de la vie circuler, celle qui est nécessaire pour moi dans le moment, et à l’élan pour jaillir. Cette énergie ne s'écoule plus. Les fascias sont alors figés et rétrécissent l’expérience, la dirigent dans une seule et même direction. Celle que je connais de mon passé.
Retrouver ces sensations corporelles, c'est ressentir à nouveau la vie, redevenir vivant. Retrouver les informations subtiles qui nous sont propres, et les laisser couler, nous traverser. Alors c'est redevenir en phase avec l'instant, le moment présent, sans figer ni entraver. C'est retrouver son axe, ce qui est juste pour moi à l'instant t, en harmonie avec le flux de la vie. Ressentir cette vie et ouvrir à d'autres possibilités! Un retour à l'immédiateté. C'est retrouver une unité avec mon corps et les informations subtiles qu'il me donne. C'est trouver une connexion avec ce qui m'anime, avec ce qui m'entoure. Avec moi, avec l'Autre.
Voici un texte magnifique de Jeff Foster qui résume cette indicible beauté de la sensation corporelle, et de l'intelligence autonome du corps humain:
« Nous mettons des étiquettes sur tout et tout le monde - sur les plantes, les animaux, les étoiles, et même sur nos propres sentiments.
Nous disons "tristesse", "colère", "peur", "ennui", "confusion".
Mais ce sont des mots de seconde main piochés dans notre jeunesse.
Au-dessous ces étiquettes, antérieurement au langage abstrait, il y a là un profond mystère vivant, indicible, incapable d'être capturé par la pensée.
Sans nos descriptions mentales, n'avons-nous vraiment aucun autre moyen de savoir ce que nous expérimentons ?
Si tu retires l'étiquette "tristesse", qu'est-ce qui est vivant ici maintenant ?
Si tu retires le mot "colère" , quelle est cette énergie brute et passionnément ressentie ?
Si tu arrêtes de juger une émotion de "positive" ou de "négative" , que se passe-t-il alors ?
Reviens à la sensation brute de la vie, à la danse du corps dans le moment présent.
Quelle est cette énergie non filtrée, dynamique ?
Peut-on toucher la vie avant de l'étiqueter?
Qui la toucherait ?
Qui serait séparé d'elle?
C'est la rivière de la vie, mes ami.e.s, sacrée, intime, familière, et nous sommes inséparables de son flot. Chaque pensée, sensation, sentiment, image, est infusée du Mystère des Univers. »
Vers les multiples potentialités de l'univers !
Et la palette colorée de son expérimentation !