Le courage d'aimer
Face au sentiment amoureux, lorsqu'il rentre dans notre vie, beaucoup vont vouloir le fixer, le figer. Trouver des contours, des limites, une sécurité à ce état si fragile et spontané. Ils vont vouloir être rassuré, avoir la certitude qu'il durera pour l'éternité, vouloir le renouveler encore et toujours. Ils vont y mettre des conditions, y voir des signes, des interprétations, tout ce qu'ils peuvent rattacher aux expériences passées. Les fuir alors dès le moindre indice reconnu quelque peu similaire, s'évertuer d'un maintien coûte que coûte, quitte à se perdre, à nier la réalité. Il va y avoir du marchandage, de la jalousie, du monnayage, du "et si.. alors..." Ce sentiment d'une vastitude infini se trouve ainsi enfermé, cloisonné, incommensurablement diminué, limitant, limité, appauvri de sa grandeur et de sa splendeur.
Faire l'expérience de l'amour libre qui ne veut enfermer aucune des parties de l'autre, qui ne souhaite aucune promesse, qui ne demande aucune sécurité, c'est comme marcher sur un fil au dessus du vide la nuit sans filet. C'est l'expérience la plus courageuse que de sentir son cœur perpétuellement en possibilité de se briser en milles morceaux. C'est fissurer l'instant déjà fragile pour y laisser entrer la lumière. Si on y va vraiment sur ce fil, si on ouvre son cœur tout grand et si on consent à ressentir ce sentiment dans ces nuances les plus sublimes, c'est un jeu d'équilibriste permanent ! Toujours prêt-à-tomber-capable-de-se-relever. Lui dire un oui sans rien pour entraver demande une qualité de cœur exigeante: le courage d'être blessé. Ce sont 2 facettes de la même pièce, sur la tranche s'évertuant de stabilité, l'une et l'autre absente et présente en même temps. C'est autoriser les opposés, côtoyer la simultanéité, la vie et la mort, l'éternité à nous toucher. A chaque instant le vivre dans toute sa magnificence conscient de sa faillibilité. Une rose prête fanée. Vouloir la protéger, s'apercevoir que sa beauté réside dans cet éphémère qui ne demande rien d'autre que sa liberté d'élan vivant, prêt aussi à recommencer, sous une forme différente. Se retient elle d'éclore parce qu'elle sait qu'elle va mourir après ?
Aimer, c'est entrer pleinement dans la vie, s'autoriser à être touché, bousculé, éclaté de toutes parts. La joie de l'infinitude, de se laisser traverser par l'incarnation. Etre en vie vivant.
Coline Cornefert