Qui suis je si je ne suis ni mon corps, ni mes émotions, ni mes pensées?
Chaque jours des milliards de cellules meurent et d'autres se recréent, avec ce que nous mangeons, donc en fonction de notre environnement, changeant. Les cellules de notre corps se sont entièrement renouvelées selon les tissus en quelques jours !
Nos pensées vont et viennent, quelle était ma pensée de mardi dernier à 11h? Elle n'est plus. Ce qui me préoccupait hier ne me préoccupe plus aujourd'hui. A 5 ans j'avais peur du monstre sous mon lit, plus actuellement. Par contre à présent, j'ai peur de ne pas pouvoir subvenir à mes besoins. Peut-être plus dans 10 ans. Les pensées évoluent, viennent, restent un moment puis repartent. D'autres les remplacent.
Il en va de même pour les émotions, avant hier gros chagrin, deux jours après ça va mieux, une bonne nouvelle et je suis en joie.
Mes sensations ne sont que passagères, j'ai mal ici, ça picote là et puis ça s'en va.
Si le trinôme pensées-émotions-sensations varient sans cesse, est ce que cela peut me définir ? Si ce trinôme est en permanence influençable par mon environnement, mes héritages karmiques et génétiques, peut il me définir ?
Si je ne suis pas ce trinôme fluctuant sans arrêt, qui suis je, qu'est ce que signifie être moi ?
Et si la réponse se situait en amont de cette trilogie ? Si le regard existait avant l'action de regarder ?
Si derrière, il y a avait une observation, un observateur qui constatait tout ce qui se passait, sans jugement, sans intervention, sans limitation ? Avez vous déjà perçu ce qui est là en amont de la pensée qui se crée ?
Comme un spectateur qui regarderait un film projeté sur l'écran de la trilogie, le film change, les émotions et les pensées vont et viennent, le corps se transforme. Cependant le spectateur reste et accueille, tout ce qui s'y passe. Le regard se fait.
Cette part moi observante immuable toujours présente serait le réceptacle de tout, antérieur à tout ce qui apparaît à la surface de l'écran, antérieur au trinôme pensée-émotion-sensation. Notre essence véritable, ce qui est avant la conscience de la pensée projetée "je suis" qui constate toujours a posteriori, quand c'est déjà fait.
Pour le percevoir, percevoir ce qui a toujours était et ne nous a jamais quitté, il faut tourner le regard, inverser le processus, retrouver la présence à soi, ne plus se projeter à l'extérieur. Non plus l'extérieur qui définit mon intérieur mais mon intérieur qui engendre mon extérieur par l'élan de cette présence.
Ce qui me manque, ma nature véritable, ce que l'on est réellement, n'est jamais né pour mourir, c'est.
Le manque est la perte de contact de cette présence, la perte de repère qui en découle, la perte de notre socle intemporel, sécurisant et paisible.
Recontacter cet océan silencieux c'est retrouver notre vraie nature.
Tant que j'en serais coupé, je m'agiterais, je me propulserais vers l'extérieur, cherchant dans les variables à me définir. Alors que c'est juste là, juste à côté, juste en amont, quand je me pose, quand je dissous toutes les variables, toutes les vagues apparemment séparées. Je découvre alors un océan paisible, immuable, infini, immense, présent, secure, impersonnel. L'océan ne m'appartient pas.
Juste un regard à poser. Un regard qui se regarde.
Coline Cornefert